Semele

Semele, de Georg Friedrich Handel Chor und Orchester Opernhaus Zürich, "La Scintilla", Wiliam Christie (direction) Robert Carsen (mise en scène) Cecilia Bartoli (Semele), Charles Workman (Jupiter), Liliana Nikiteanu (Ino), Birgit Remmert (Juno), Anton Scharinger (Cadmus/Somnus), Thomas Michael Allen (Athamas), Isabel Rey (Iris) Enregistré à l'Opernhaus Zürich en 2007 Réalisation Felix Breisach - (154') Un opéra de Haendel en anglais ? Le compositeur lui-même en parlait comme d'un "opéra dans le style d'un oratorio", ce qui explique en partie l'utilisation de l'anglais - son idiome de prédilection pour l'oratorio - et l'importante contribution du choeur. Une des raisons pour lesquelles l'oeuvre a tant d'admirateurs aujourd'hui est son étonnante modernité. Tout particulièrement dans l'enchaînement parfait des textures entre les soli et les ensembles, ainsi qu'entre les récitatifs accompagnés au clavecin et les sections orchestrales richement agrémentées de percussions. Cette modernité se manifeste aussi par la juxtaposition d'émotions contrastées dans les ensembles vocaux, tel le quatuor du premier acte - annonçant le "Don Giovanni" de Mozart. Mais la popularité croissante de "Sémélé" est aussi due à son livret : la langue de William Congreve est pleine de vie, d'émotion, de comédie et d'érotisme. Il adapte ce conte mythologique avec une finesse de psychologie digne des meilleurs auteurs d'aujourd'hui : Jupiter tombe amoureux de Sémélé, une mortelle, et lui promet d'exaucer chacun de ses souhaits. Junon, sa femme, ne l'entend pas de cette oreille, et suggère à sa rivale de demander à Jupiter de la rendre immortelle, à l'instar des dieux. Ce que fait Sémélé, enfreignant ainsi la limite: c'est l'unique souhait que Jupiter lui-même ne peut lui accorder... Par de nombreuses touches délicates, le metteur en scène Robert Carsen fait allusion à la famille royale britannique d'aujourd'hui, et dépeint une jeunesse belle et riche en proie aux plaisirs des sens. Il trouve une Sémélé idéale en la soprano Cecilia Bartoli. Nouvelle conquête de Jupiter, Bartoli joue sur tous les registres, du charme aguicheur au narcissisme effréné pour revenir finalement au regret et à l'introspection. La soirée appartient à Cecilia Bartoli et son tempérament de feu, sa virtuosité vocale et sa présence scénique hors du commun séduisent non seulement Jupiter, mais aussi le public. Sous les traits du ténor Charles Workman, Jupiter est tout aussi séduisant, et nous charme de sa voix légère et souple, plutôt que de déchaîner un tonnerre vocal. Birgit Remmert est une Junon majestueuse et un comploteur hors pair. Sa servante Iris, incarnée par Isabel Rey, apporte un délicieux contrepoint burlesque aux royales manigances de sa maîtresse. Les autres solistes sont tout aussi impressionnants, ainsi que le choeur dont chaque membre est impliqué dans l'action. L'orchestre "La Scintilla" de l'opéra de Zurich ajoute enfin une note magique, tour à tour chaleureux et étincelant sous la direction délicate de William Christie.